Un portrait subjectif de l'élève idéal
Dans l’absolu, l’élève idéal n’existe pas. Chaque prof, en fonction de son âge, de son expérience et de sa personnalité, a sa propre définition de l’adjectif « idéal » et il semble donc impossible de déterminer un profil unique d’élève qui remplirait tous les critères et satisferait à toutes les exigences. Il s’agit donc ici d’un témoignage totalement subjectif et partial, qui n’est certainement pas révélateur de l’avis général des enseignants.
J’ai commencé à enseigner l’Histoire-Géographie à 21 ans. Après trois années de classes préparatoires littéraires, j’étais à la croisée des chemins et j’hésitais entre l’enseignement et la recherche. C’est pour y voir plus clair que j’ai accepté, en parallèle à mes études à la fac, d’effectuer une suppléance au lycée de Bourg-la-Reine. Alors que je devais théoriquement remplacer pour six mois une collègue en congé maternité, je suis resté trois ans. J’ai tellement aimé enseigner que j’ai décidé de passer les concours et d’en faire mon métier. Ce qui m’a tout de suite plu, ce qui me plait encore aujourd’hui, ce qui fait à mon avis que ce boulot est absolument génial, c’est le contact avec les élèves. Je ne suis pas devenu prof d’Histoire-Géo seulement par intérêt pour les disciplines historique et géographique, mais aussi et surtout pour le plaisir que j’éprouve à me retrouver chaque jour devant une classe pour faire cours.
En cinq ans d’enseignement, j’ai vu défiler environ 630 collégiens et lycéens, de la Sixième à la Terminale. Je me rappelle encore de la plupart d’entre eux et il ne m’est arrivé que rarement de ne pas m’entendre avec une classe ou avec un élève. Contrairement à une idée reçue – et cela va sûrement rassurer un certain nombre de jeunes – l’élève idéal n’est pas forcément celui qui fait toujours bien son travail, n’a aucune difficulté, ne bavarde jamais et ne pose aucun problème. En y réfléchissant bien, ceux qui m’ont le plus marqué, ceux que j’ai préférés et avec qui je suis encore en contact aujourd’hui, ne sont pas nécessairement ceux qui avaient les meilleurs résultats et qui ont le mieux réussi. Les qualités humaines sont nettement plus importantes que les qualités scolaires et l’affection que je porte à mes élèves n’est pas proportionnelle à leurs notes. Pour moi, l’élève idéal est celui qui est capable de ne pas être seulement scolaire et de sortir du rapport parfois trop strict prof/élève. C’est celui qui voit en moi plus qu’un simple enseignant, comme je vois en lui beaucoup plus qu’un simple élève.
Au final, j’ai croisé beaucoup d’élèves idéaux. Ce sont ces anciens élèves de Bourg-la-Reine ou de Paris avec qui je jouais au foot dans la cour pendant les récréations, qui aujourd’hui me donnent des nouvelles régulièrement et avec qui je vais prendre un café de temps en temps. Ce sont mes actuels élèves de Première qui, pendant l’intercours entre deux T.P. de Sciences, viennent frapper à la porte de ma salle de cours pour me saluer. Ce sont tous ces lycéens qui acceptent volontiers de faire avec moi le chemin vers Val Fleury pour discuter de tout et de rien. C’est cette élève de Seconde qui me fait confiance et m’envoie les textes qu’elle écrit et projette de publier. Ce sont tous ces membres du C.V.L., qui acceptent de donner de leur temps pour leur établissement et pour les autres. Ce sont aussi ces élèves de Première ES, que je n’ai pourtant pas en cours, mais avec qui m’attendent dans les couloirs pour débriefer les résultats de la Ligue 1 ou du Championnat du monde de handball. Heureusement que ces élèves existent. Comme je le dis de temps en temps à mes classes : mon véritable salaire n’est pas celui qui figure chaque mois sur ma fiche de paie, c’est celui qui m’est offert chaque jour par ces élèves que j’ai la chance de côtoyer.